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Entretenir son couteau

Oui ce texte est long. Mais servez-vous un café (ou un verre de bon vin, ou ce que vous voulez) et prenez le temps de le lire. Ça en vaut la peine et ça vous évitera de faire une bêtise sans « savoir ».

Lavage :

C’est un des points les plus sensibles pour maintenir son couteau en bonne santé. Pour commencer, il ne faut jamais utiliser de lave-vaisselle. Sel, détergents, chaleur, même un acier inox serait altéré à terme. Quand à un acier carbone, c’est la catastrophe assurée. Le manche lui non plus ne résisterait pas bien longtemps à cette atmosphère chaude et humide.
Il faut donc toujours laver son couteau à la main. Pour les lames en acier carbone et/ou les manches naturels (bois, corne…) il ne faut jamais faire tremper son couteau ou le laisser humide. On l’utilise, on l’essuie avec une éponge humide et on le sèche au torchon. L’inox et les matières synthétiques (résine, micarta…) sont moins sensibles à l’humidité. On évitera néanmoins un séjour prolongé dans l’eau. Pour les couteaux pliants, on évitera autant que possible de mouiller les mécanismes et la fente du manche.

Stockage :

Pour les couteaux fixes (cuisine, de table etc…) l’idéal est une barre aimantée ou un support en bois. Il faut vraiment se méfier des tiroirs et des “pots” : un petit choc du fil contre un autre couteau et c’est possiblement une dent dans le tranchant. Si vraiment le tiroir est la seule solution fabriquez-vous un étui en carton pour la lame ou roulez votre couteau dans un bout de tissu . Vous pouvez également demander à votre coutelier préféré de vous faire un saya (l’étui traditionnel en bois des couteaux japonais)

Aiguisage :

Pour qu’un couteau coupe… il faut l’aiguiser. Et l’idéal est de le faire régulièrement. Plus vous espacerez la durée entre deux aiguisages, plus le fil sera abimé et plus il sera long et difficile de retrouver un bon tranchant. Mais la grande question est : comment aiguiser ? Commençons par ce qu’il ne faut pas faire : le but de l’aiguisage est de retrouver un bon tranchant au fil, pas d’abimer celui-ci ! Donc on proscrira toutes les pierres grossières (type pierre à faux) et les systèmes “automatiques” vendus pas cher. Vous feriez plus de dégâts qu’autre chose. Le fusil, à moins d’en avoir un très bon et de savoir très bien l’utiliser, est à éviter aussi. En tout cas ne faites pas “comme dans les films” où l’on voit le boucher frapper violemment sa lame contre le fusil ! Si vous n’avez pas une vraie technique : oubliez !
Un acier trempé qui chauffe à plus de 200° perd sa dureté rapidement. Vous avez déjà sans doute vu une lame prendre des couleurs jaunes/mauves/bleues/noires après un passage au touret : elle est sans doute morte. Donc à moins de savoir parfaitement ce qu’on fait, on bannira tous les outils qui peuvent faire chauffer la lame par frottement (touret, meule, meuleuse, ponceuse etc…). Mais alors ? comment faire ?
Je préconise deux solutions. Si vous n’avez pas envie de trop vous casser les pieds avec ces histoires, il existe un système facile et performant : le kit “SC204 tri-angle sharpmaker” de chez Spyderco. Je n’ai (malheureusement) aucune action chez Spyderco mais je trouve cet outil vraiment instinctif d’utilisation, il est parfait pour l’entretien courant de quasiment tous les couteaux. Le prix est un peu élevé (dans les 70€) mais c’est quasiment inusable. Par contre, à moins d’acheter en plus les barres diamantées (qui coûtent à elles seules le prix du kit complet), ça va être compliqué voire impossible de rattraper un fil complètement usé. Dans ce cas, toujours si on ne veut pas se casser la tête, autant demander au rémouleur ou au coutelier du coin de reprendre bien le tranchant, et après on l’entretiendra régulièrement avec le kit.

Pour ceux qui souhaitent vraiment se lancer dans l’art de l’aiguisage, il faut acheter des pierres. Et apprendre la technique. Le coup de main le plus dur à prendre est d’arriver à garder un angle pierre/lame le plus constant possible. Internet regorge de conseils plus ou moins farfelus sur le sujet. Le mieux est d’aller prendre des renseignements chez ceux qui savent, par exemple sur le forum Neoczen rubrique “entretien”. Concernant le type de pierres, pour débuter il vous en faudra au moins de deux types de grains. Si vous êtes patient et très exigeant sur votre tranchant une 1000 et une 3000 constitueront un bon équipement de base . Si au contraire vous voulez de l’efficace sans rêver d’un tranchant rasoir, une 800 et une 1000 seront déjà suffisantes. Niveau marque, allez vers les valeurs sûres et fuyez les produits miracles vendus en grande surface ou en foire. Là encore, une bonne lecture du forum Neoczen devrait vous orienter dans vos choix et vous verrez que la marque japonaise Naniwa fait une quasi-unanimité. Une fois mordu par le sujet, vous pourrez compléter votre matériel par une gamme complète de pierres, un support, un ou des cuirs, des pâtes à polir etc… etc…

Entretien courant :

Sur un couteau fixe : pas grand chose à faire si ce n’est un aiguisage régulier. Comptez une fois par semaine pour un cuisine/table qui sert quotidiennement.
Pour les couteaux de cuisine : afin de préserver le fil, utilisez toujours une planche à découper en bois ou en matière synthétique. Ne coupez jamais directement sur un plan de travail en pierre ou en inox.
Pour les couteaux de table, la céramique des assiettes est plus dure que l’acier. Le tranchant est donc mis à rude épreuve. N’attendez pas que le fil soit complètement émoussé pour aiguiser si vous voulez vous éviter un travail long et pénible pour le reprendre.

Sur un couteau pliant : faites un petit nettoyage/graissage des mécanismes de temps en temps. Nettoyez bien la fente du manche, et les parties autour de l’axe et appliquez une goutte de WD40 au niveau de l’axe. Et bien entendu aiguisez régulièrement.

Les manches en bois : tous mes manches sont imbibés à cœur (sous vide) d’huile végétale (lin ou abrasin) ou de résine synthétique (bois stabilisés). Normalement ce traitement est très durable. Si vous constatez un dessèchement du bois, vous pouvez faire tremper le manche quelques heures dans un mélange 50% huile / 50% térébenthine après avoir bien protégé la lame avec du film alimentaire et du scotch. A la sortie du bain, essuyez bien et laissez sécher à l’air libre.

Le cas particulier des aciers carbones : Contrairement aux inox, les aciers carbones sont sensibles à l’oxydation. Ou plutôt, AUX oxydations. Car toutes ne se valent pas. Et si on connait (et craint) tous la fameuse rouille orange, il y a des oxydations bénéfiques. Sur votre lame carbone, vous constaterez que la découpe des aliments acides laisse des traces sombres, nuageuses, allant du bleu au noir en passant par le gris ou le brun. C’est la fameuse “patine” tant appréciée des amateurs de lame carbone. Ne cherchez pas à lutter contre elle ! Primo ce serait un combat perdu d’avance à moins de renoncer à couper des tomates des pommes ou des oignons, secundo cette patine protège l’acier des attaques plus gênantes telles que la vraie rouille.
Si vous remisez votre couteau pour une longue période (vacances etc…), et particulièrement si vous vivez dans un milieu humide, (et plus encore en bord de mer) il est bon de passer un peu d’huile alimentaire sur l’acier.

Utiliser un couteau pour sa fonction :

Quand je fabrique un couteau, je fais toute une série de choix et de compromis en fonction de ce à quoi il sera destiné. Un couteau de camps destiné à taper dans du bois n’est pas fait de la même manière qu’un cuisine.
L’acier déjà. Un acier très pur et carboné sera top en cuisine avec un tranchant fin et durable. Par contre, qui dit très dur dit cassant. Il faut donc éviter chocs et torsions.
Le type de montage aussi : un montage en plate semelle (l’acier continue dans tous le manche et est pris en sandwich entre deux plaquettes est solide mais lourd. Un montage sur soie (la lame se poursuit en une tige qui rentre dans le manche) est plus léger et équilibré mais plus fragile sur les torsions latérales (attention à la coupe du potiron !)
Donc non ! Même si c’est un couteau artisanal et que j’y ai mis toute ma passion et mon savoir faire, utiliser un pliant destiné au casse-croute pour démonter un pneu de voiture n’est pas une bonne idée. Si vous vouliez un démonte pneu il fallait le dire !

En tout état de cause :

N’hésitez pas à me contacter pour demander conseil, je réponds toujours avec grand plaisir et il vaut toujours mieux se renseigner plutôt que de commettre l’irréparable.